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Le contrôle « strict » de la glycémie

« The days of ignoring blood sugar levels … are over » (6)

Note de Thierry Sottiaux - Clinique Notre Dame de Grâce - Gosselies

L’hyperglycémie, fréquemment rencontrée en Soins Intensifs, est associée à une augmentation du risque de complications et de décès. Non seulement l’hyperglycémie est un indicateur de l’intensité de l’agression et du niveau de résistance à l’insuline, mais – de plus- elle pourrait influencer le pronostic par ses effets propres (immunosuppression, polyneuropathie, métabolisme cellulaire).

Le travail publié en 2001 par l’équipe de la KUL a eu un impact considérable (1). Cette étude évalue l’intérêt d’un contrôle strict de la glycémie en période post-opératoire de chirurgie cardiaque. L’âge médian des patients est de 62 ans et le score Apache II médian est de 9. La glycémie est contrôlée de façon stricte, c’est-à-dire avec un objectif de stabilisation glycémique entre 80 et 110 mgr/dl. Dans le groupe contrôle, le contrôle est moins strict (objectif à 180 mgr/dl). L’étude a été arrêtée pour bénéfice en raison d’une diminution significative (après ajustement) de mortalité dans le groupe contrôle glycémique strict. La différence n’est cependant significative que dans sous-groupe des patients séjournant plus de 5 jours en USI. Les auteurs observent d’autres bénéfices dans le groupe contrôle glycémique strict (moins de bactériémies, moins de neuropathies de réanimation, durées plus courtes de ventilation, séjours plus brefs). L’intérêt d’un contrôle strict de la glycémie a ensuite été évalué dans d’autres études. On notera une étude (même type de patients) qui souligne l’importance d’abaisser suffisamment le niveau de glycémie (sous 145 mg/dl) pour l’obtention d’un effet bénéfique (2).

En 2006 que l’équipe de la KUL publie sa deuxième étude, évaluant cette fois une population de patients « USI médicaux », plus sévères (Apache II égal ou supérieur à 23) (3). L’étude ne montre pas de différence de mortalité entre les deux groupes, dans leur ensemble. On trouve un bénéfice, en termes de mortalité, uniquement dans le groupe de patients séjournant plus de trois jours en Soins Intensifs. On note d’ailleurs une mortalité plus élevée (différence non significative) dans le groupe contrôle strict dont la durée de séjour est inférieure à 3 jours (3). On retrouve les avantages secondaires (durée de ventilation, durée de séjour) pour l’ensemble du groupe des patients du groupe contrôle glycémique strict (3). L’équipe de la KUL réalisera ensuite un « poolage » des deux études (1,3) confirmant l’intérêt d’un contrôle strict de la glycémie pour les patients séjournant plus de trois jours en USI (mortalité USI et hospitalière, insuffisance rénale aiguë, polyneuropathies de réanimation) sans effet délétère évident pour les patients au séjour plus court en USI (4).

Ces publications sont l’objet de controverses en ce qui concerne, notamment, les risques d’hypoglycémies et de leurs conséquences. Parmi les facteurs de risque de survenue d’une hypoglycémie, on peut retenir : un score de gravité élevé, la ventilation mécanique, la présence d’un diabète ou d’un choc septique, l’insuffisance ou l’absence d’apport nutritionnel, la CVVH (9, 10). L’hypoglycémie pourrait être associée à un risque accrû de mortalité (9, 12).

Des études prospectives randomisées viennent d’être réalisées (VISEP en Allemagne, GLUCONTROL en Europe, NICE-SUGAR en Australie). JC Preiser et P Devos ont présenté certains résultats de ces études et leurs exposés sont accessibles sur ce site (www.sacnet.be). L’étude VISEP est une étude allemande multicentrique récemment publiée dans le NEJM. Le protocole de la KUL est appliqué chez des patients en sepsis sévère ou en choc septique. L’étude est interrompue pour augmentation de l’incidence de l’hypoglycémie (12 vs 2%), sans différence significative de mortalité globale (7).

Le contrôle glycémique strict per-opératoire est, à l’heure actuelle, encore peu investigué. Retenons cependant une étude prospective randomisée -réalisée en chirurgie cardiaque réglée- ne montrant pas de bénéfice d’un contrôle glycémique strict par perfusion intraveineuse per-opératoire d’insuline (durées de séjour, mortalité) (11).

Une enquête a été réalisée récemment en Belgique par le Collège Belge pour la Fonction Soins Intensifs, présidé par le Professeur Luc Huyghens (13). La quasi-totalité des intensivistes interrogés connaissent les travaux publiés par l’équipe de la KUL et ont, en conséquence, modifié leur pratique clinique dans ce domaine. Les objectifs glycémiques se situent généralement dans la fourchette 110-140 mgr/dl (60% des intensivistes) sur base d’un protocole réalisé au sein de l’unité (96%). (13). Le contrôle glycémique est horaire avant stabilisation puis s’espace toutes les deux à quatre heures. Des recommandations d’experts sont souhaitées par la majorité des praticiens USI (13).

Les questions actuelles restent donc nombreuses : protocole, objectifs glycémiques (chiffres fixes ou objectif de « stabilité »), voies d’administration de l’insuline, fréquence des contrôles glycémiques, fiabilité des glycémies capillaires, boucles de rétro-activation, utilisation de capteurs mini-invasifs (12) Le contrôle glycémique pourrait se concevoir en deux temps : moins strict en phase aiguë (2 à 3 jours, avec un seuil supérieur de l’ordre de 1,5 mg/dL) pour ensuite aborder une phase plus restrictive, après stabilisation (et apport calorique), avec une glycémie cible située entre 80 et 110 mgr/dL (6). Cette proposition reste cependant sujette à discussions (12).

En ce qui concerne les patients en sepsis sévère ou en choc septique (en soins intensifs), conformément aux « guidelines » du groupe « Surviving sepsis campaign », il est recommandé –après stabilisation initiale- d’administrer une insulinothérapie (intraveineuse) en cas d’hyperglycémie (grade 1B), sur base d’un protocole visant à maintenir la glycémie à un niveau inférieur à 150 mg/dl (grade 2C) (8). Dans ces cas, un apport calorique glucosé et une surveillance étroite de la glycémie sont fortement recommandés (grade 1C) (8). En cette nouvelle ère d’ « endocrino-métabolisme », on peut plus ignorer la glycémie et on ne peut certes plus tolérer l’hyperglycémie (6,12).

1. VDB , NEJM, 2001, 345, 1359
2. Finney, JAMA, 2003, 290, 2041
3. VDB, NEJM, 2006, 334, 2 février
4. VDB, Diabete, 2006, 55, 3151
5. Vriesendorp, CCM, 2006, 34, 96
6. Malhotra, NEJM, 2006, 354, 516
7. Brunkhorst, NEJM, 2008, 358, 125
8. Dellinger, CCM, 2008, 36, 296
9. Krinsley, CCM, 2007, 35, 2262
10. Vriesendorp, CCM, 2006, 34, 96
11. Gandhi, Ann Int Med, 2007, 146, 233
12. Preiser, CCM, 2007, 35, S503
13. Preiser, in progress





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